État de droit menacé : l’indispensable réforme de la justice financière
Face à un état des lieux préoccupant, Transparence International France présente ses recommandations dans un nouveau rapport consacré aux moyens de la justice pour lutter contre la corruption. TI France appelle l’ensemble de la classe politique à se mobiliser en faveur d’une justice financière suffisamment forte et indépendante pour garantir l’égalité de tous devant la loi et contribuer ainsi à restaurer la confiance des citoyens dans leurs institutions.
Paris, 22 juin 2011. Frégates de Taïwan, Angolagate, Clearstream, Karachi, Bettencourt, emplois fictifs de la ville de Paris… Ces dernières années, de nombreuses affaires politico-financières ont fait la une des médias en France. Comment ces affaires sont-elles traitées par la justice ? Quels moyens procéduraux, matériels et humains sont mis à la disposition de la police et des juges en matière financière ? Existe-t-il réellement une volonté politique de doter la justice des moyens nécessaires pour juger les responsables des affaires de corruption mettant en cause des intérêts politiques, économiques ou diplomatiques importants ?
A l’heure où la défiance des citoyens vis-à-vis de leurs institutions n’a jamais semblé aussi forte, le nouveau rapport de TI France essaie d’apporter des éléments de réponse. Après une première partie dressant un état des lieux – préoccupant – des moyens de la police et de la justice françaises en matière financière, TI France analyse, dans une seconde partie, les perspectives d’évolution et détaille ses recommandations. Parmi elles, la création d’un Procureur général de la Nation.
Un manque de moyens et un faible nombre de condamnations
Concernant tout d’abord la police, force est de constater une désaffection institutionnelle pour le traitement des grandes affaires économiques et financières. La lutte contre la grande corruption ne figure plus parmi les priorités : agents moins expérimentés, objectifs quantitatifs inadaptés à la matière financière, autres priorités telles que la lutte contre la falsification des moyens de paiement. Les juges financiers sont, pour leur part, confrontés à une baisse des moyens humains : entre 2009 et 2011, les effectifs des magistrats de la section financière (juges d'instruction plus magistrats du Parquet) sont, par exemple, passés de 46 à 39.
En comparaison à d’autres pays, on constate par ailleurs que le nombre d’affaires traitées reste très faible, notamment dans le domaine de la corruption internationale. Comment expliquer qu’en dix ans et malgré le poids économique des entreprises françaises dans le commerce international, seules deux condamnations mineures pour corruption d’agent public étranger aient été prononcées en France contre, par exemple, 42 en Allemagne ?
L’intervention croissante du pouvoir exécutif
Les enquêtes sont de plus en plus souvent conduites par le parquet, plutôt que par des juges d’instruction indépendants. Or plusieurs affaires récentes (biens mal acquis, sondages de l’Elysée, dossier Woerth-Bettencourt) sont encore venues renforcer les soupçons d’intervention du gouvernement dans les dossiers sensibles. Les entraves du pouvoir exécutif à l’action des juges anti-corruption se manifestent aussi à travers l’utilisation abusive de la procédure du « secret défense » (Frégates de Taïwan, Karachi). Enfin, ainsi que l’a récemment montré l’affaire du Casino d’Annemasse impliquant l’ancien ministre de l’Intérieur Charles Pasqua, la composition actuelle de la Cour de Justice de la République ne permet pas de sanctionner avec l’exemplarité nécessaire des faits de corruption imputables à des ministres en exercice.
Une réforme indispensable : les recommandations de TI France
Sous la pression des institutions européennes notamment, la réforme de la procédure pénale française est aujourd’hui inévitable. TI France propose de :
- Réformer le statut du Parquet en instituant un « Procureur Général de la Nation » afin qu’existe en France une autorité judiciaire forte et indépendante, capable de résister aux interférences du pouvoir politique ;
- Réformer la procédure du « secret défense » en dotant la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN) d’un pouvoir de décision et en prévoyant des possibilités de recours afin de renforcer l’impartialité de la procédure de classification ;
- Réformer la composition de la Cour de justice de la République afin qu’elle soit composée majoritairement de magistrats indépendants ;
- Instituer, sous certaines conditions, une forme de « plaider coupable » en matière de corruption dans le but de rendre la justice plus rapide et plus efficace ;
- Poursuivre les progrès en matière d’accès à la justice des associations et des citoyens.
La campagne pour l’élection présidentielle de 2012 doit être l’occasion pour les différents candidats, de prendre des engagements sur la question, primordiale en démocratie, des moyens de la justice financière et de son indépendance. Au même titre que la prévention des conflits d’intérêts, elle est l’un des piliers incontournables d’une nouvelle gouvernance publique à même de restaurer la confiance des citoyens dans leurs institutions.
<<Télécharger le rapport « Etat de droit menacé : l’indispensable réforme de la justice financière>>
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