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Journée africaine de lutte contre la corruption 2021 : Les gouvernements permettront-ils aux citoyens de se joindre à la lutte ?

i_am_zews / Shutterstock

Par : Paul Banoba, conseiller régional pour l'Afrique à Transparency International

Jacob Zuma, ancien président sud-africain, est actuellement derrière les barreaux dans sa province natale du KwaZulu-Natal. Accusé de corruption, il a refusé de témoigner dans le cadre de l'enquête sur la capture d'État, ce qui lui a valu une peine de 15 mois de prison.

Zuma est l'un des rares chefs d'État africains à avoir fait face à des accusations de corruption dans leur propre pays. Sa démission en 2018 et les enquêtes qui ont suivi sont la victoire du peuple sud-africain, propulsé par la société civile, des médias courageux et des tribunaux vigilants. Les événements qui se déroulent en Afrique du Sud contiennent donc des leçons pour l'ensemble de la région.

La corruption, en particulier la corruption de haut niveau et la grande corruption, constitue un obstacle important à la gouvernance démocratique, à la protection des droits de l'homme et au développement durable en Afrique. Consciente de cette menace, l'Union africaine a adopté ce jour, il y a 18 ans, la Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption (CUAPLC) à Maputo, au Mozambique. Depuis 2017, les pays de la région marquent le 11 juillet comme la Journée africaine annuelle de lutte contre la corruption.

Les 28 sections nationales de Transparency International en Afrique australe, centrale, de l'Est, du Nord et de l'Ouest commémorent la cinquième Journée africaine de lutte contre la corruption en lançant un appel à l'action aux gouvernements et à l'Union africaine.

Voir leur lettre

Les progrès réalisés à ce jour

À en juger des engagements de l'Union africaine en matière de lutte contre la corruption, les gouvernements de la région semblent désireux de s'attaquer à ce fléau. À ce jour, 44 des 55 pays africains ont ratifié la CUAPLC. Comme l'exige la convention, les pays ont mis en place des lois et des institutions nationales de lutte contre la corruption.

Presque tous les pays disposent désormais d'une agence gouvernementale spécialisée dans la lutte contre la corruption. En outre, de nombreux pays disposent d'agences spécialisées dans des domaines spécifiques de la lutte contre la corruption, comme les services de renseignements financiers pour lutter contre le blanchiment d'argent et les flux illicites, les agences d'intégrité pour lutter contre les conflits d'intérêts et l'enrichissement illicite, entre autres.

La corruption, cependant, ne semble pas bouger et l'Afrique reste la région la plus touchée par ce fléau. Dans toute la région, des fonctionnaires peu scrupuleux ont été exposés comme des cibles faciles pour des multinationales - comme Glencore, Odebrecht et Semlex - qui ont recours à la corruption en échange de contrats gouvernementaux et de licences lucratives. En outre, la région continue de subir des sorties massives de ses ressources à travers des flux financiers illicites, ce qui réduit la capacité des gouvernements africains à fournir des services de base à leurs citoyens.

Compte tenu du peu de ressources disponibles, laes fourniture deservices publics est également gangrenée par la corruption. Plus d'un citoyen africain sur quatre doit payer un pot-de-vin pour accéder aux services de base.

À l'occasion de la Journée africaine de lutte contre la corruption 2019, Transparency International a publié la dixième édition du Baromètre mondial de la corruption (BMC) - Afrique. L'enquête, menée en partenariat avec Afrobaromètre, a révélé que plus de la moitié des citoyens interrogés dans 35 pays africains pensent que la corruption s'aggrave dans leur pays. Cinquante-neuf pour cent des personnes interrogées pensent que leur gouvernement ne parvient pas à lutter contre la corruption.

Explorez les résultats

Ces tendances ont un impact à long terme sur la stabilité de l'Afrique et sur ses efforts pour réduire la pauvreté de sa population. Les projections indiquent que l'Afrique restera à la traîne de toutes les autres régions. Le dernier rapport de la Banque mondiale sur les tendances mondiales en matière de pauvreté indique que l'extrême pauvreté sera un problème essentiellement africain au cours de la prochaine décennie.

Domaines d'action prioritaires

À l'occasion de la cinquième Journée africaine de lutte contre la corruption, l'Union africaine appelle les communautés économiques régionales et les autres parties prenantes, notamment la société civile et les médias, à soutenir la mise en œuvre de la CUAPLC. Cette initiative est la bienvenue. Certaines des communautés économiques régionales d'Afrique disposent de mesures régionales de lutte contre la corruption qui complètent et renforcent les dispositions de la CUAPLC.

La Journée africaine de lutte contre la corruption est une bonne occasion de réfléchir aux progrès réalisés jusqu'à présent. Cette réflexion devrait impliquer les citoyens.

Notamment, la CUAPLC exige que les pays qui ont ratifié la convention fassent un rapport annuel sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre des mesures de lutte contre la corruption.

Transparency International a récemment réalisé une étude comparative sur la mise en œuvre et l'application de la CCAPC. Nos conclusions indiquent que la plupart des pays africains ne rendent pas compte de leur mise en œuvre comme il se doit. En outre, seules quelques exceptions - comme le Ghana et le Rwanda - ont mis en place des processus dédiés pour impliquer la société civile dans leurs mesures de reporting.

Notre rapport évalue l'état de la mise en œuvre de la CUAPLC dans 10 pays : La Côte d'Ivoire, la République démocratique du Congo, l'Éthiopie, le Ghana, le Maroc, le Mozambique, le Nigeria, le Rwanda, l'Afrique du Sud et la Tunisie. Elle se concentre sur quatre domaines clés de la convention : le blanchiment d'argent, l'enrichissement illicite, le financement des partis politiques, la société civile et les médias.

Mise en œuvre et application de la CUAPLC : Un examen comparatif

Aller de l'avant – avec les citoyens

Les citoyens africains sont disposés et prêts à contribuer à la lutte contre la corruption, à condition de pouvoir le faire en toute sécurité. Selon le Baromètre mondial de la corruption - Afrique 2019 de Transparency International, 53 % des citoyens pensent que les personnes s ordinaires peuvent faire la différence dans la lutte contre la corruption. Dans des pays comme l'Eswatini, le Lesotho et la Gambie, entre 65 et 71 % des citoyens pensent que leurs voix comptent.

Les citoyens activistes, les journalistes et les lanceurs d'alerte jouent un rôle crucial dans la lutte contre la corruption. Ils contribuent à mettre en évidence les points faibles qui nécessitent une action du gouvernement et, parfois, à découvrir des preuves de corruption qui requierent des actions de suivi de la part des agences anti-corruption de l'État. Compte tenu de leur engagement déclaré en faveur de la lutte contre la corruption, les gouvernements ne peuvent que se féliciter de leur contribution.

Malgré la volonté des citoyens de contribuer à la lutte contre la corruption en Afrique, 67 % des citoyens africains craignent des représailles s'ils dénoncent la corruption. Il devient donc urgent que les gouvernements africains se penchent sur les protections juridiques de ces citoyens volontaires, des activistes, des journalistes et des dénonciateurs en tant que partenaires cruciaux dans cette lutte commune contre un défi commun.

Si la plupart des Africains ont le sentiment que la corruption a augmenté dans leur pays, une majorité d'entre eux sont également optimistes et pensent qu'en tant que citoyens, ils peuvent faire la différence dans la lutte contre la corruption.

Les citoyens s'expriment sur la corruption en Afrique

Les États devraient également s'engager auprès de leurs citoyens sur la manière de contribuer aux solutions. La CUAPLC demande aux États parties de "créer un environnement propice à la société civile et aux médias pour que les gouvernements soient tenus redevables au plus haut niveau de la gestion des affaires publiques". Elle demande en outre aux États parties de "garantir et d'assurer la participation de la société civile au processus de suivi de la Convention."

En outre, l'article 9 de la CCAPC demande aux États parties d'adopter des mesures pour le droit d'accès des citoyens à l'information afin de contribuer à la lutte contre la corruption. À ce jour, la moitié des États membres de l'Union africaine n'ont pas promulgué de lois spécifiques sur le droit d'accès à l'information. Cela limite considérablement l'engagement du public.

En cette Journée africaine de lutte contre la corruption, les gouvernements devraient saisir l'occasion de dire à leur population ce qu'ils font contre la corruption. La publication proactive de données pertinentes sur la corruption peut servir à inciter les citoyens à demander des comptes à leurs gouvernements.

Quelles mesures ont été prises ? Quels sont les résultats obtenus jusqu'à présent ? Quelles ressources publiques ont été récupérées jusqu'à présent dans le cadre de cette lutte ? Quels sont les montants en jeu ? Qui a dû rendre des comptes ? Où sont-ils maintenant ? Les gens ont besoin de réponses pour s'associer utilement à la lutte contre la corruption.

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