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Le gouvernement du Sénégal n’a pas publié les statistiques sur les marchés publics des deux derniers trimestres de 2013

1/ Dans un but de promouvoir la gestion efficace des ressources publiques dans les marchés publics ainsi que leur rationalisation au profit des populations, les Etats membres de l’UEMOA ont adopté en 2005 deux (2) directives[1] pertinentes ayant comme socle des principes favorables aux objectifs d’une gouvernance vertueuse. Il s’agit notamment des principes de libre accès à la commande publique, de l’égalité de traitement des candidats devant les marchés publics, la transparence des procédures, et ce à travers la rationalité, la modernité et la traçabilité des procédures[2].

Le Forum Civil a le regret de constater que le gouvernement du Sénégal n’a pas encore publié les statistiques sur les marchés publics des deux (2) derniers trimestres de 2013. Une situation inédite car depuis 2008 les statistiques sur les marchés publics étaient mises à la connaissance du public à travers le portail des marchés publics. De plus, ce fait va à l’encontre de l’ « indicateur 11 » intitulé « Degré d’accès à l’information » de l’OCDE/DAC sur l’Evaluation du système de passation des marchés publics. Cet indicateur renvoie à la qualité, à la pertinence, à la facilité d’accès et à l’exhaustivité des informations sur le dispositif de la passation des marchés publics. Le gouvernement du Sénégal viole ainsi le principe de transparence dans les marchés publics prévu par la Directive n°04/2005/CM/UEMOA sur la passation, l’exécution et le règlement des marchés publics et des Délégations de service public de l’UEMOA et la loi n°2006-16 du 30 juin 2006 portant Code des Obligations de l’Administration. Mais et surtout le droit d’accès à l’information prévu par l’article 8 de la Constitution du Sénégal.

Pour rappel, déjà en 2011 lors de l’évaluation du Système de passation des Marchés publics selon la méthodologie OCDE/DAC[3] financée par l’Union Européenne concernant les statistiques sur les marchés publics, un risque élevé était soulevé sur l’intégrité des procédures de passation des marchés. Depuis près de huit mois, cette crainte constante se confirme par le refus du gouvernement à publier les statistiques sur les marchés publics. En effet, dans ce rapport il a été recommandé à l’Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMP) de définir les indicateurs à collecter et les procédures de collecte, de façon à pouvoir disposer de données lui permettant de mesurer la performance du système. De plus il a été suggéré à l’ARMP de mener périodiquement des audits pour vérifier la fiabilité du système de collecte des statistiques. D’ailleurs, le Forum Civil précise que cet audit sur la fiabilité du système de collecte des statistiques n’est pas encore réalisé par les autorités sénégalaises.

2/ Par ailleurs, le Forum Civil dénonce avec vigueur la volonté du gouvernement de dépouiller le Code des marchés publics de toute sa substance de transparence en faisant des propositions de modification sous le prétexte que les procédures actuelles, relatives aux marchés publics ne favorisent pas une exécution rapide des projets du gouvernement.

A/ En effet, le gouvernement veut réglementer les seuils de passation des marchés publics par un arrêté et non par un décret. Cette proposition constitue une dépossession du Président de la République d’une de ses importantes prérogatives. En plus, la réglementation des seuils de passation par voie d’arrêté relève une violation flagrante du principe constitutionnel de la sécurité juridique. De même, elle est une source potentielle de rupture d’égalité de traitement des candidats devant les ressources publiques utilisées dans les marchés publics. Le Forum Civil rappelle que les seuils de passation constituent un instrument de régulation et de mise en confiance des acteurs de la commande publique. Ainsi, l’extirper du décret portant code des marchés publics poserait un problème de sécurité pour les candidats (même dans la zone UEMOA) d’accéder aux marchés publics.

B/ En plus, les nouveaux seuils de contrôle[4] a priori proposés dans le projet d’arrêté sont extrêmement élevés.

Le projet de texte dit que : « pour les marchés de l’Etat y compris ses services déconcentrés et les organismes non dotés de la personnalité morale placés sous son autorité, les marchés des collectivités locales y compris leurs services déconcentrés et les organismes non dotés de la personnalité morale placés sous leur autorité, ainsi que les marchés des groupements mixtes et les établissements publics locaux visés respectivement par les articles 74 et 327 du Code des Collectivités locales, ainsi que pour les marchés des établissements publics :

  • Marchés de travaux : 300 000 000 FCFA ;
  • Marchés de fourniture : 200 000 000 FCFA ;
  • Marchés de service et prestations intellectuelles : 150 000 000 FCFA.

Pour les marchés des agences ou organismes, personnes morales de droit public ou privé, autres que les établissements publics, sociétés nationales ou société anonyme à participation publique majoritaire, dont l’activité est financée majoritairement par l’Etat ou une collectivité locale et s’exerce essentiellement dans le cadre d’activité d’intérêt général :

  • Marchés de travaux : 400 000 000 FCFA ;
  • Marchés de fourniture : 250 000 000 FCFA ;
  • Marchés de service et prestations intellectuelles : 200 000 000 FCFA.

Pour les marchés des sociétés nationales et des sociétés anonymes à participation publique majoritaire :

  • Marchés de travaux : 600 000 000 FCFA ;
  • Marchés de fourniture : 400 000 000 FCFA ;
  • Marchés de service et prestations intellectuelles : 250 000 000 FCFA.

Pour les marchés passés par les associations formées par les personnes morales visées au dessus :

  • Le seuil relatif à la nature du marché à passer applicable à l’autorité contractante désignée comme coordonnateur ;
  • Si un coordonnateur est désigné en dehors des autorités contractantes composant l’association ou si le coordonnateur n’est pas formellement désigné, le seuil le plus élevé parmi ceux applicable aux autorités contractantes composant l’association pour la nature du marché à passer ».

Si on se fie aux statistiques, on se rend compte que la majorité des marchés passés par l’Etat, les collectivités locales et les établissements sera désormais sans contrôle priori (sans contrôle préalable de la Direction Centrale des Marchés publics), réellement indépendant. Avant d’adopter des seuils, il faudrait se baser sur les statistiques, et faire une répartition équitable.

En effet, en parcourant les statistiques publiées par la DCMP dans le site www.marchespublics.sn, nous nous rendons compte que l’écrasante majorité des seuils des marchés de fournitures et de marchés de prestations intellectuelles est en dessous des seuils fixés plus haut. Les seuils fixés dans ce projet d’arrêté nous amènent vers une absence de contrôle des marchés publics au Sénégal.

De plus, le rapport de présentation en indiquant que « les seuils visés en objet ont été revus à la hausse, dans le souci d’améliorer la célérité des procédures de passation des marchés, tout en préservant leur efficacité », constitue un aveu implicite quant à la responsabilité de la DCMP dans la lourdeur et la longue durée des procédures ; ce qui est contredit par les études menées par la DCMP qui révèlent que les retards relèvent essentiellement des autorités contractantes.

Cependant, le plus important à noter est que le relèvement des seuils constitue un transfert important de compétences aux autorités contractantes. Or, tout transfert de telles compétences doit être corrélé avec l’existence au niveau de l’Autorité Contractante (A.C) d’un contrôle interne réellement indépendant et de l’existence de capacités suffisantes pour la préparation et la passation des marchés.

Dans la situation actuelle, ces deux conditions ne sont pas encore remplies. Faisons remarquer que le contrôle exercé par les cellules n’est pas indépendant, si l’on sait que les responsables de cellules sont nommés par les Ministres. Ceci montre, toute la difficulté de ces cellules à jouir de toute l’indépendance requise. Tout le monde se rappelle qu’au cours des années 2007 et 2008, les ministres nommaient les Directeur de Cabinet ou Secrétaire Général comme responsables de cellules.

Une des conséquences de ce transfert de compétences sans accompagnement, sera l’augmentation considérable de litiges au stade de passation. En effet, dans les faits, l’absence de contrôle indépendant et la faiblesse des capacités au niveau des autorités contractantes, contribueront pratiquement à transférer le contrôle a priori indépendant au niveau de l’ARMP ; pour cause, l’augmentation du nombre de litiges. Les litiges constitueront à l’avenir, le réel goulot d’étranglement à la célérité des procédures, si on se réfère aux délais pris actuellement par l’ARMP pour délivrer ses décisions.

Nous pourrions comprendre un tel relèvement des seuils, si par exemple les agents des cellules étaient des agents de la DCMP délocalisés au niveau des AC.

En définitive ces relèvements de seuils proposés ne contribueront qu’à ralentir les procédures et à permettre une large part de dépenses publiques non contrôlées et donc non sécurisées.

Une crainte sérieuse sur les ressources financières surtout celles que le Sénégal veut mobiliser auprès des Partenaires Techniques et Financiers (PTF) et des investisseurs privés à PARIS.

Fort de ces constats, le Forum Civil exige que :

  • Les statistiques sur les marchés publics des deux derniers trimestres de 2013 ainsi que celles qui les suivent, soient publiés dans le portail des marchés publics ;
  • Les seuils de passation des marchés soient rabaissés et réglementés par le code des marchés publics et non par un arrêté ;
  • Le relèvement de seuils de contrôle a priori proposé soit fortement revu à la baisse pour éviter qu’une part importante des dépenses publiques soit exécutée dans les marchés publics sans contrôle a priori.

Pour toute information complémentaire, veuillez contacter :

Birahime SECK

77 519 88 41

Forum Civil, section sénégalaise de Transparency International.


[1] Directive n°04/2005CM/UEMOA portant procédure de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public dans l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine.

Directive n°05/2005/CM/UEMOA portant contrôle et régulation des marchés publics et des Délégations de service publics dans l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine.

Article 5 de la Directive n°04/2005/CM/UEMOA.

[3] Comité d’Aide au Développement.

[4] C’est le contrôle qui est effectué par la Direction Centrale des Marchés publics pour s’assurer du respect par les autorités contractantes de la réglementation des marchés publics.


For any press enquiries please contact

Pour toute information complémentaire, veuillez contacter :

Birahime SECK

77 519 88 41

Forum Civil, section sénégalaise de Transparency International.