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DECLARATION SUR LA NOMINATION DES MEMBRES DE L’OFFICE NATIONALE DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE ET LA CORRUPTION (OFNAC)

La création de l’Office Nationale de Lutte contre la Fraude et la Corruption (OFNAC) a été ressentie comme une avancée très importante par tous ceux qui promeuvent la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption. En effet, cette nouvelle autorité administrative indépendante, différente de la défunte CNLCC, investie d’une mission de puissance publique est capable d’agir efficacement contre la corruption et de renforcer le combat des citoyens et de la presse contre ce phénomène.

Il faut rappeler que la création de l’OFNAC est l’aboutissement d’un long processus auquel la société civile a beaucoup contribué en termes de plaidoyer et d’actions pour la mise en place d’une solide institution capable de lutter efficacement contre le mal insidieux que constitue la corruption.
Dès lors, le Forum Civil se félicite de toute mesure visant à rendre l’OFNAC opérationnel et apprécie positivement la revue à la hausse du budget alloué à la dite institution.
Par contre, il convient de rappeler que si la loi portant création de l’OFNAC a été adoptée par l’Assemblée Nationale depuis le 12 décembre 2012, la présidente de ladite institution n’a été nommée que le 27 juillet 2013, le vice président au mois d’octobre 2013 et enfin le reste des membres au début de l’année 2014.

Il a fallu donc attendre plus d’un an pour la mise en place de l’équipe de l’OFNAC alors qu’un seul décret aurait pu servir à nommer tous les membres depuis les premières heures de création de ladite institution.
Le Forum civil constate qu’il est regrettable, qu’autant de temps ait été pris pour rendre opérationnelle une institution aussi importante et centrale dans le dispositif légal de lutte contre la corruption qui, par son ancrage structurel dans la gouvernance publique, affecte gravement le service public.
Le Forum Civil considère que le régime actuel semble avoir hésité dans sa volonté initiale de mettre en place une institution investie de vrais pouvoirs d’investigation et d’auto-saisine capable de prévenir et de réprimer toute velléité de corruption, du moment où le Président de la République disait le prédestiner à ses compagnons, à l’opposé de la CREI destinée à la répression de l’enrichissement illicite pour la gestion publique sous Wade .
Au-delà du retard constaté dans la composition de l’équipe, des interrogations légitimes fusent de partout quant au respect des principes énoncés dans les conventions internationales et régionales de lutte contre la corruption, quant à la désignation des membres de l’OFNAC.
La Convention des Nations Unies de lutte contre la corruption (CNUCC) ratifiée par le Sénégal en 2005 prévoit, à cet effet, en son article 6.2 que les Etats parties à cette convention doivent faire en sorte que les organes de lutte contre la corruption disposent de « ...l’indépendance nécessaire, conformément aux principes fondamentaux de son système juridique, pour leur permettre d’exercer efficacement leurs fonctions à l’abri de toute influence indue. Les ressources matérielles et les personnels spécialisés nécessaires, ainsi que la formation dont ces personnels peuvent avoir besoin pour exercer leurs fonctions, devraient leur être fournis ».

De même, les résolutions 3/2, 3/3 et 4/4 adoptées par la conférence des Etats parties à la CNUCC à ses troisième et quatrième sessions reconnaissent « l’importance vitale d’assurer l’indépendance et l’efficacité » des Institutions de Lutte contre la Corruption (ILC).
Dans le même ordre d’idées, la Convention de l’Union Africaine sur la lutte contre la corruption prévoit en son article 5.3 que les Etats s’engagent à « mettre en place, rendre opérationnelles et renforcer des autorités ou agences nationales indépendantes chargées de lutter contre la corruption ».
Rappelant aussi les principes de Jakarta pour les institutions de lutte contre la corruption qui recommandent entre autres mesures:
De la nomination : Les dirigeants des ILC sont désignés à l’issue d’un processus qui garantit leur apolitisme, impartialité, neutralité, intégrité et leur compétence ;
De la conduite exemplaire : Les ILC doivent adopter des codes de conduite qui obligent leurs personnels à faire preuve d’une éthique exemplaire et adopter un régime de contrôle rigoureux ;
De la Rémunération : les employés des ILC doivent être rémunérés à un niveau qui permettrait l’emploi d’un nombre suffisant de personnels qualifiés ;
Le Forum Civil est donc à bon droit d’interroger les critères qui ont été à la base de la nomination des autres membres de l’OFNAC et leur conformité aux principes conventionnels cités supra.
Le Forum Civil constate pour le dénoncer, la violation du principe conventionnel de l’apolitisme. En effet, parmi les nouveaux membres de l’OFNAC, la présence de membres de Macky 2012, de l’APR et d’un ancien du PDS qui vient a peine de quitter son ancien parti (Transhumant ou simple démission ?) a été notée.

Cet état de fait, peut constituer un précédent dangereux pour le bon fonctionnement de ladite institution dont les prochaines actions pourraient être qualifiées de partisanes du fait de la forte présence d’un personnel politique lié à la majorité présidentielle actuelle.
Le non respect des critères d’apolitisme, d’impartialité, de neutralité et d’intégrité de certains membres de l’OFNAC pourrait favoriser les conditions de neutralisation des suites pénales à donner à des dossiers concernant des membres de la majorité présidentielle et entrainer un traitement discriminatoire des autorités en cause.

Par ailleurs, la nomination d’une personnalité citée dans l’affaire de la drogue au niveau de la police qui n’est pas encore totalement vidée pourrait prêter à soupçon.
Les garanties d’indépendance de l’OFNAC pourraient être biaisées surtout par le fait que ce personnel reste toujours lié à l’administration. En effet, comme le précise l’alinéa 3 de l’article 5 de la loi portant création de l’OFNAC, seule la présidente exerce une fonction permanente le reste des membres reste ainsi rattaché à leur corps d’origine.
De ce dédoublement fonctionnel peut résulter un conflit d’intérêt du moment qu’un membre de l’OFNAC peut être amené à statuer sur un cas qui met en conflit l’administration à laquelle il est toujours rattaché.
L’exigence d’intégrité et d’impartialité commanderait aussi, au moins, que les corporations d’où sont issues certains nouveaux membres soient consultées au préalable. 3

Faire fi de tout ce qui précède peut laisser penser, quelque part, à une volonté de contrôler une telle institution par une composition qui ne respecte pas toutes les garanties d’intégrité et d’indépendance, ce qui pourrait en faire un géant au pied d’argile dès lors que, les conditions de son inefficacité sont contenues dans sa gouvernance interne. L’OFNAC démarre ainsi sa mission en trainant une tare congénitale qui dans un avenir proche pourrait paralyser son fonctionnement et son action. L’avenir édifiera l’opinion.
Force est de constater ici que l’OFNAC délibère par vote et l’article 11 de la loi prévoit en son dernier alinéa que : « l’OFNAC se prononce à la majorité des deux tiers de ses membres présents lorsqu’il statue sur la transmission du dossier au procureur de la république ». La saisine du procureur peut donc être bloquée par un vote des membres partisans de l’OFNAC.

C’est pourquoi le Forum Civil reprend à son compte les principes de la déclaration de Jakarta du 26 au 27 novembre 2012 et recommande :

  • Le respect de la règle de l’apolitisme conformément aux prescriptions de Conventions internationales et régionales afin de crédibiliser l’OFNAC ;
  • La défense de la pérennité de l’institution et son efficacité ;
  • Une rémunération et des indemnités qui mettent les membres à l’abri de toutes tentatives de corruption ;
  • La nomination du président de l’OFNAC pour un mandat fixe de 7 ans non renouvelable pour lui assurer des garanties d’indépendance

A l’heure où notre pays se prépare pour la rencontre du groupe consultatif de Paris la création des conditions d’efficacité de l’OFNAC devrait être la seule préoccupation des autorités gouvernementales dans le but de rassurer les investisseurs par rapport à l’assainissement de notre environnement des affaires par la mise en place d’un mécanisme utile de prévention et de lutte contre la corruption.
Le président de la république ne réalisera pas son ambition de placer son magistère sous le sceau de la « gouvernance sobre et vertueuse », si l’OFNAC devait être perçu comme un moyen de faire valoir.


Fait à Dakar, le 10 Janvier 2014
Contacts au Forum Civil
1. Birahim SECK : 77 519 88 41
2. Bakary Malouine FAYE : 77 511 89 41


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