France: Tous égaux devant la loi et la justice
France: All are equal before the law
Le dépôt, trois jours avant la date de l'audience, d'une question préliminaire de constitutionnalité a eu pour effet de reporter une nouvelle fois le procès de l’ancien Président de la République.
Cette utilisation des ressources de la procédure, que le juge n'a pas le moyen d'écarter, risque de renforcer le sentiment de plus en plus répandu chez les Français d’une justice à deux vitesses, où le droit est instrumentalisé au profit d'une catégorie de citoyens privilégiés.
C’est une très mauvaise nouvelle qui va à l'encontre des déclarations récentes de nombreux responsables de partis politiques sur l’urgence d’une moralisation de la vie publique.
Rappelons qu’en vertu de l’immunité dont bénéficient les Présidents de la République en exercice, ce procès, qui portait sur la période antérieure au mandat de Jacques Chirac, avait déjà été reporté.
Sur le fond, la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) qui est posée va également à l’encontre de l’évolution des pratiques observées à l’étranger en matière de lutte contre la délinquance financière et des attentes de nos principaux partenaires.
Le groupe de travail de l’OCDE sur la corruption[1] estime que la prescription actuellement applicable en France aux délits de corruption est déjà trop courte pour une bonne application de la loi et cela, malgré l’aménagement apporté par la jurisprudence de la Cour de cassation sur les abus de confiance que cette QPC entend remettre en question.
Dans une décision rendue en 1970[2], la Cour de cassation avait en effet très opportunément reporté le point de départ du délai de prescription applicable aux abus de confiance à la date de la découverte de faits par nature dissimulés.
C’est cette jurisprudence qui a permis que la justice se saisisse de nombreuses affaires politico-financières emblématiques (affaire Elf, affaire des frégates de Taïwan). La remettre en cause est un combat d’arrière garde.
TI France déplore que le représentant du parquet à l’audience ait soutenu la recevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité. Cette démarche s'inscrit dans un contexte où l'institution judiciaire subit de la part de l'exécutif diverses tentatives de limitation de ses pouvoirs d'investigation et d'initiative. Elle va de plus à contre-courant du rejet croissant par nos concitoyens de toutes les formes d’impunité. Rappelons en effet que, selon un sondage récent, 71 % des Français interrogés trouvent normal que Jacques Chirac soit jugé[3].
« Dans une démocratie, tous les citoyens sont égaux devant la loi et devant la justice et les dirigeants politiques ont un devoir particulier d’exemplarité », rappelle Daniel Lebègue, président de TI France.
Transparence International France est la section française de Transparency International (TI), la principale organisation de la société civile qui se consacre à la transparence et à l’intégrité de la vie publique et économique.
A travers l’action de plus d’une centaine de sections affiliées réparties dans le monde entier, ainsi que de son secrétariat international basé à Berlin, en Allemagne, TI sensibilise l’opinion aux ravages de la corruption et travaille de concert avec les décideurs publics, le secteur privé et la société civile dans le but de la combattre.
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[1] Composé de représentants des Etats signataires, dont la France, de la Convention de 1997 relative à la lutte contre la corruption dans les transactions financières internationales.
[2] Chambre criminelle de la Cour de Cassation, 16 mars 1970.
[3] Sondage Obea-InfraForces/France Info/20 Minutes du 7 mars 2011.
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