Première lecture par l’Assemblée nationale du projet de loi sur la corruption
Transparence-International (France) se félicite du vote des députés mais encourage le Parlement à aller plus loin
La présentation par Mme le Garde des Sceaux hier mercredi 10 octobre devant l’Assemblée nationale du projet de loi sur la lutte contre la corruption appelle plusieurs commentaires de Transparence-International (France), section française de l’ONG Transparency International.
Malgré la réserve du gouvernement sur l’application à l’étranger du délit de trafic d’influence, le projet de loi est une avancée significative dans le renforcement du dispositif législatif français de lutte contre la corruption
TI (France) se félicite de la mise en conformité de la France avec ses engagements internationaux anti-corruption souscrits dans le cadre des conventions de l’ONU et du Conseil de l’Europe. TI France relève en particulier que le projet de loi :
- élargit le délit de corruption d’agents publics étrangers au-delà du seul cadre du commerce international et introduit l’infraction de corruption passive des agents publics et des élus d'autres pays ainsi que des agents des organisations internationales
- incrimine les actes d'intimidation et de subornation de témoin qui entravent le bon fonctionnement de la justice étrangère ou internationale
- sanctionne les trafics d’influence des agents des organisations internationales
- permet aux enquêteurs de recourir en matière de corruption et de trafic d'influence à des techniques spéciales d'enquête (surveillance des biens et des personnes, sonorisation, voire infiltration).
Ces avancées viennent utilement compléter la loi du 30 juin 2000 qui avait préalablement transposé en droit français la Convention de l’OCDE contre la corruption incriminant la corruption d’agents publics étrangers.
TI France regrette toutefois la réserve introduite par le gouvernement français sur la mise en œuvre de la convention pénale du Conseil de l’Europe contre la corruption en ce qui concerne le trafic d’influence exercé sur des agents publics étrangers. Pour justifier cette réserve, le Garde des Sceaux invoque le principe de réciprocité et le fait que les législations de certains pays (Royaume-Uni, Pays-Bas, Suède notamment) ignorent l’infraction de trafic d’influence. TI France encourage l’Etat français à être sur cette question le fer de lance d’une harmonisation par le haut au sein de la communauté internationale.
TI France se félicite en particulier de l’adoption de l’amendement sur la protection des déclencheurs d’alerte éthique dans le secteur privé
Cet amendement insère dans le code du travail une section relative à la corruption qui instaure une protection légale au profit de l’employé qui, de bonne foi, témoigne ou relate, à son employeur ou aux autorités, des faits de corruption dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions. Il permet de satisfaire aux exigences de l’article 9 de la convention civile du Conseil de l’Europe du 4 novembre 1999 sur la corruption, qui invite les États parties à prévoir une « protection adéquate » contre toute sanction injustifiée au profit des salariés « donneurs d’alerte ». D’autre part, ce dispositif contribue à éviter les dénonciations abusives dans la mesure où la protection légale ne vaut que si la révélation des faits a été faite « de bonne foi ».
« Le renforcement de la protection des déclencheurs d’alerte dans les entreprises était une nécessité. Il correspond à la mise en œuvre de l’une des propositions phares du rapport de 2003 de TI France sur le déclenchement d’alerte, et notre association ne peut que s’en réjouir. Le déclenchement d’alerte éthique, ou « whistleblowing » en anglais, est en effet, s’il est correctement encadré, un outil efficace de lutte contre la corruption. », commente Daniel Lebègue, président de TI France.
Plus de garanties doivent être apportées sur la mise en œuvre effective du dispositif français de lutte contre la corruption
Selon Daniel Lebègue, « Voter des lois, aussi pertinentes soient-elles, n’est pas suffisant. Ce qui compte aux yeux de nos concitoyens, c’est la mise en œuvre effective de ces textes. C’est la seule manière de faire progressivement reculer la défiance persistante de l’opinion publique française quant à la probité de ses dirigeants politiques ».
Moyens de la Justice
L’extension au délit de corruption de l’usage des techniques spéciales d'enquête réservées à la criminalité organisée est une avancée importante qui facilitera le travail des enquêteurs et des juges d’instructions. TI France salue cette avancée qui correspond à la mise en œuvre d’une disposition de la convention des Nations Unies contre la corruption.
Concernant les moyens humains et matériels de la justice française pour lutter conter la corruption, TI France vérifiera la mise en œuvre de l’engagement pris hier en séance par Rachida Dati de renforcer les moyens du pôle financier de Paris en « magistrats expérimentés » et en « assistants spécialisés ». « Notre association exhorte par ailleurs le gouvernement à ne pas oublier les juridictions régionales spécialisées », complète Daniel Lebègue.
Détection de la corruption
La protection des déclencheurs d’alerte dans le secteur privé votée hier par les députés est une avancée majeure qui contribuera à favoriser la détection des cas de corruption.
TI France encourage le législateur à aller plus loin pour faciliter la détection de la corruption :
- en rendant aux chambres régionales des comptes le pouvoir d’investigation que leur a retiré la loi 2001-1248 du 21 décembre 2001 : cette loi a fait disparaître l’une des principales voies de saisine des procureurs financiers
- en facilitant le signalement par les tribunaux administratifs aux juridictions financières des infractions économiques dont ils ont connaissance
Droits des victimes de la corruption : TI France regrette le rejet par les députés de l’amendement visant à permettre aux associations de lutte contre la corruption d’agir en justice
Certaines associations sont recevables à ester en justice pour défendre des intérêts collectifs dignes d’être juridiquement protégés. Ces associations sont celles dont l’objet apparaît dans la liste figurant dans les articles 2-1 à 2-16 du code de procédure pénale. TI France propose de compléter cette liste pour que la lutte contre la corruption soit expressément consacrée comme un intérêt justifiant que les associations spécialisées puissent agir en justice. Le dispositif renforcerait la reconnaissance et la protection des victimes de la corruption.
Notre association regrette vivement le rejet hier par les députés de l’amendement proposé par le Rapporteur de la Commission des Lois visant à permettre à toute association reconnue d’utilité publique et régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans qui se propose, par ses statuts, de lutter contre la corruption, de se constituer partie civile à l’audience.
Selon Daniel Lebègue, « Cette décision va à l’encontre de la réparation des préjudices subis par les victimes de la corruption ».
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Transparence-International (France) est la section française de Transparency International (TI), la principale organisation de la société civile qui se consacre à la lutte contre la corruption. TI sensibilise l’opinion publique aux effets dévastateurs de la corruption et travaille de concert avec les gouvernements, le secteur privé et la société civile afin de développer et mettre en œuvre des mesures visant à l’enrayer.
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