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DÉCLARATION PRÉLIMINAIRE SUR L’ÉLECTION DES MEMBRES DE LA CHAMBRE DES REPRÉSENTANTS DU 7 JUILLET 2007

Issued by Transparency Maroc

Le processus électoral a été conduit de façon plus transparente qu’à l’occasion des élections précédentes, mais aucun résultat détaillé du nombre de voix n’a encore été officiellement publié. Le taux de participation, extrêmement bas, reflète une confiance limitée dans le processus de représentation parlementaire. Le système électoral s’avère combiner les aspects négatifs de différents systèmes électoraux, sans en apporter les avantages.

Une évaluation finale du processus électoral ne pourra être donnée que lorsque les résultats seront publiés et le traitement du contentieux éventuel achevé. Cette déclaration présente les conclusions préliminaires d’une évaluation qualitative limitée des élections. Un rapport final complet sera publié au mois d’octobre.

CONCLUSIONS PRELIMINAIRES

ABSTENTION RECORD ET DÉSAFFECTION POLITIQUE

Le taux de participation officiel des élections du 7 septembre 2007 s’élève à 37% des 15,5 millions d’électeurs inscrits. On estime en outre à environs 4 millions le nombre de citoyens marocains en âge de voter qui n’ont pas fait la démarche de s’inscrire sur les listes électorales. Ramenée à l’ensemble de la population en âge de voter, la participation est donc encore plus faible. Le scrutin a par ailleurs été marqué par un nombre très important de votes nuls (19% pour le scrutin au niveau des circonscriptions locales et 28% pour le scrutin de liste nationale). Aucune distinction n’est opérée, dans ce décompte, entre les votes blancs et non valides. De ce fait, il apparaît difficile de déterminer l’ampleur du vote protestataire, d’une part, et le résultat d’une sensibilisation insuffisante des électeurs aux procédures de vote, d’autre part.

La composition de la nouvelle Chambre des représentants reposera donc sur 4,6 millions de suffrages exprimés dans un pays de plus de 30 millions d’habitants. Le renforcement des institutions démocratiques, en particulier celui de la première Chambre, apparaît essentiel pour influer sur les raisons profondes de cette désaffection. L’intérêt de s’engager dans le processus électoral continuera d’apparaître limité tant que les électeurs percevront que l’essentiel des décisions politiques est du ressort de l’Exécutif.

UNE PLUS GRANDE TRANSPARENCE DANS LA GESTION DES ÉLECTIONS AU NIVEAU CENTRAL

L’administration centrale a réalisé une amélioration significative du degré de transparence dans la conduite de ces élections. Cependant, plusieurs déclarations d’acteurs politiques et rapports de la société civile font état de cas de corruption et de partialité de l’administration locale ou régionale ici ou là. Le Ministère de l’intérieur a tenu le public régulièrement informé dans la préparation du scrutin, mettant à sa disposition des données utiles ainsi que des informations logistiques générales. La Commission nationale de recensement a tenu session en présence des représentants des partis politiques et d’un observateur international. Néanmoins, certaines données essentielles, comme le nombre d’électeurs inscrits par circonscription, n’ont été ni publiées ni communiquées aux observateurs en préalable à la tenue du scrutin.

En 2002, le manque de transparence ayant entouré le processus d’établissement des résultats avait alors soulevé de nombreuses préoccupations. En dépit des problèmes qui ont pu survenir cette fois-ci, la présence de représentants des partis politiques et, en général, la mise à leur disposition de copies certifiées des procès-verbaux de recensement des votes (incluant un récapitulatif des résultats des niveaux inférieurs) constitue une garantie importante de la transparence du processus, ainsi qu’une base objective pour d’éventuels recours.

Le cadre juridique demeure néanmoins lacunaire sur la publication de ces résultats. La loi organique dispose que les commissions préfectorales et nationale proclament les résultats de leur circonscription, mais ceci n’est compris que dans le sens d’une communication aux représentants des partis politiques qui y siègent. En même temps, le Ministère de l’intérieur a tenu le public informé du nombre de sièges attribués à chaque liste de candidats. Il n’y a cependant pas eu de publication officielle des résultats en termes de voix obtenues. Le Ministère devrait consolider les progrès réalisés en matière d’administration transparente du processus électoral en mettant à la disposition du public les résultats du scrutin, détaillés par bureau de vote.

Outre que ces résultats détaillés permettent à chacun d’établir l’intégrité des résultats globaux, ils aideront également à analyser en détail les questions ayant trait à la participation, au taux de bulletins nuls, etc.

LA NÉCESSITÉ D’UN CADRE JURIDIQUE POUR L’OBSERVATION ÉLECTORALE

A l’occasion de ces élections, les autorités ont accepté, pour la première fois, la présence d’observateurs internationaux. Ceci constitue une avancée significative, en accord avec une pratique internationale de plus en plus répandue. Les efforts des organisations de la société civile marocaine, regroupées au sein du Collectif Associatif pour l’Observation des Elections ont malheureusement rencontré de nombreuses difficultés, dont de longues négociations avec le Conseil Consultatif des Droits de L’Hommes (CCDH), chargé des questions de l’observation électorale. Ceci a conduit à la distribution de badges d’accréditation seulement la veille du scrutin.

Il n’y a pas eu de progrès dans ce domaine depuis 2002 en dépit de la revendication, formulée depuis de nombreuses années par les organisations de la société civile, que soit mis en place un cadre clair pour l’observation électorale. Des circonstances plus difficiles, telles qu’en Palestine notamment, n’ont pas empêché d’accueillir des nombres sensiblement plus importants d’observateurs.

Le cadre juridique souhaité pour l’observation nationale devrait établir les règles, les délais et les procédures précises afin d’éviter ce type de négociations ad-hoc. Son contenu devrait s’inspirer de la Déclaration de principe pour l’observation internationale qui souligne notamment que les autorités ne devraient pas limiter le nombre d’observateurs au sein d’une mission. En dépit des efforts déployés par le CCDH, celui-ci était placé dans la situation délicate de responsabilité sans réelle autorité, le Ministère de l’intérieur ayant autorité sur tous les aspects techniques du processus électoral.

LE RÔLE DE L’ARGENT DANS LES ÉLECTIONS

De nombreux témoignages et allégations ont fait état de pratiques d’achat de voix et de corruption électorale qui méritent une investigation attentive. La publication détaillée des résultats devrait contribuer à mettre à jour certains problèmes, notamment lorsque les résultats individuels de bureaux de vote révèlent des variations inhabituelles. Le mode de scrutin combiné à des taux de participation très faibles, tend à favoriser ce type de pratiques, en ce sens qu’un nombre relativement limité de voix peut faire la différence.

Les obligations légales relatives au contrôle et à la transparence des dépenses de campagne apparaissent insuffisantes. Selon le code électoral, les candidats sont tenus de déposer leurs comptes de campagne ainsi que les pièces justificatives à une commission de vérification. Il n’existe pas d’exigence légale de publication, mais la mise à disposition du public de ces informations contribuerait à renforcer la transparence du processus.

UN SYSTÈME ÉLECTORAL BANCAL

La loi organique relative à la Chambre des représentants établit un système de répartition proportionnelle, 295 sièges étant attribués au niveau de circonscriptions locales tandis que 30 sièges sont répartis selon un scrutin de liste au niveau national – un consensus politique réservant ces derniers à la représentation des femmes. Le caractère proportionnel du système est, en pratique, fortement altéré par le fait que chacune des circonscriptions électorales ne compte qu’un nombre très réduit de sièges à pourvoir (entre 2 et 5).

Un tel système électoral devrait théoriquement conduire à ce qu’un nombre limité de partis soient représentés, et tendrait même amplifier la domination d’un parti, contrairement à ce que l’on affirme souvent. Ces élections ont cependant montré que, dans le contexte marocain, il génère en fait une fragmentation de la représentation politique à la Chambre des représentants, qui compte en son sein pas moins de 23 formations et 5 députés sans appartenance politique. L’explication réside moins dans les conséquences arithmétiques du mode de scrutin que dans le jeu politique qu’il favorise: en raison du petit nombre de sièges à pourvoir dans chaque circonscription, la capacité à remporter des sièges repose moins sur les programmes et plateformes politiques que sur des personnalités locales qui peuvent attirer un soutien important. Ce qui tend à renforcer le pouvoir de négociation des notables vis-à-vis des formations politiques.

INÉGALITÉ DES VOTES

La redéfinition des circonscriptions électorales a été adoptée par décret sur proposition du Ministère de l’intérieur. Seuls les partis de la majorité gouvernementale ont semble-t-il été consultés sur les modifications apportées. L’opposition a exprimé ses préoccupations quant à la façon dont certaines circonscriptions ont été redessinées. Le Ministère de l’intérieur n’a pas donné d’explication détaillée justifiant le nouveau découpage, si ce n’est la nécessité de réajuster la carte électorale suite au nouveau découpage administratif de 2003.

Dans l’ensemble, une grande disparité demeure dans le nombre d’électeurs par siège à pourvoir entre les différentes circonscriptions, et ceci n’a pas été corrigé par le nouveau découpage électoral de 2007 [1]. Le nombre de sièges attribués à la circonscription de Aïn Sebaa – Hay Mohammadi, notamment, a ainsi été réduit de 5 à 3, ce qui en fait la circonscription la plus sous-représentée : un député y représente 83.257 électeurs inscrits. En comparaison, dans la circonscription rurale d’Aousserd, un siège ne représente que 3,668 électeurs. Si les frontières administratives existantes et l’étendue géographique des circonscriptions rurales peuvent justifier certains écarts au principe fondamental d’égalité des votes, l’absence d’explication détaillée par le Ministère de l’intérieur ne permet pas réellement d’établir dans quelle mesure, le découpage électoral repose sur des critères objectifs.

Democracy Reporting International (DRI) et Transparency Maroc (TM) ont réalisé une évaluation des aspects qualitatifs des élections du 7 septembre, faisant suite à une analyse du cadre électoral, publiée en janvier dernier. DRI et TM n’ont pas conduit d’observation proprement dite des élections et ne peuvent par conséquent apporter de conclusion sur tous les aspects du processus.

DRI est signataire de la Déclaration de principe pour l’observation internationale, qui stipule que les missions d’évaluation spécialisées doivent clairement faire état des attributions de leur mission à l’occasion de déclarations publiques.

DRI a été accrédité pour observer le processus de compilation au sein d’une commission de recensement préfectorale et de la commission de recensement nationale. DRI tient à exprimer ses remerciements au Conseil Consultatif des Droits de l’Homme ainsi qu’au National Democratic Institute pour leur assistance dans les procédures d’accréditation.

[1] Pour plus de details, consulter «Evaluation du cadre pour l’organisation des élections, Janvier 2007»


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Azeddine Akesbi, TI Maroc
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Eric des Palliere, Democracy Reporting International
T: 077444397