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Comment la corruption rend les gens malades

Dans le monde entier, le personnel soignant signale que la corruption a augmenté pendant la pandémie de COVID-19

Illustration by Sheyda Sabetian

Dans le monde entier, le personnel soignant signale que la corruption a augmenté pendant la pandémie de COVID-19

Fin 2019, lorsque la pandémie de COVID-19 commençait à se propager en Chine, le journal médical The Lancet a publié un article qualifiant la corruption de «  plus grande menace pour l’avenir de la santé dans le monde ».

Un an auparavant, Transparency International Health Initiative avait mis en garde contre la façon dont la corruption affaiblit les systèmes de santé et menace les progrès de la couverture sanitaire universelle.

Depuis, la pandémie de COVID-19 a explosé et est devenue une pandémie mondiale, et les dangers de la corruption se sont également multipliés.

Plus de 1 800 femmes et hommes ont contacté le réseau mondial des Centres d’assistance juridique et d’action citoyenne (CAJAC) de Transparency International pour signaler des actes de corruption et rechercher de l’aide sur des questions liées à la COVID-19. Nos CAJAC offrent des conseils gratuits et confidentiels aux victimes et aux témoins de ces actes dans plus de 60 pays de la planète.

Les rapports qui en sont issus montrent la façon dont la corruption augmente la charge pesant sur les systèmes de soins de santé et empêche les personnes d’accéder aux traitements et aux équipements de protection individuelle (EPI).

Les personnels soignants sont forcés de travailler en milieu hospitalier dans des conditions risquées, tandis que les acteurs de la corruption profitent des contrats publics et de la vente illégale de fournitures médicales. Dans certains cas, les patients doivent payer des pots-de-vin pour les EPI et les tests de COVID-19.

Les pays ne pourront pas contrôler la propagation du virus tant que la corruption tient les ressources hors de portée des personnes qui en ont le plus besoin.

Les récits qui ont été recueillis montrent que la corruption augmente dans le monde entier

Les sites de travail à risque pour les travailleurs de la santé sont un motif de plainte récurrent enregistré par nos CAJAC.

En République démocratique du Congo, un groupe d’infirmières a contacté un CAJAC après avoir été forcé de travailler pendant trois mois sans salaire, bien que le gouvernement prétende avoir dépensé plus de 27 millions de dollars américains pour lutter contre le virus.

Les membres d’un CAJAC d’Irlande ont recueilli les propos de travailleurs de la santé dans le pays qui ont fait part de leurs craintes que leurs employeurs n’appliquent pas des mesures de sécurité suffisantes. Les médecins et les infirmières du Kenya se sont mis en grève en raison d’un manque d’EPI, tandis que des citoyens en colère ont manifesté dans les rues pour protester contre l’utilisation abusive des fonds de santé.

Au Royaume-Uni, la ligne d’assistance téléphonique d’un organisme de bienfaisance que peuvent utiliser les plaignants a reçu plus de 170 appels de la part de travailleurs de la santé, dont cinq déclarant qu’ils ont perdu leur emploi après avoir soulevé des préoccupations au sujet des EPI.

D’autres rapports des CAJAC mettent en évidence la corruption dans les processus d’achat et la distribution d’EPI.

En Italie, un CAJAC a contacté l’administration d’un hôpital pour faire stopper, avec succès, la distribution de masques non certifiés. Un CAJAC kényan a également été mis au courant du cas d’un hôpital dont le personnel faisait acheter aux patients des masques à l’entrée avant de pouvoir recevoir des soins. Le CAJAC en question a contacté l’administration de cet hôpital, qui a finalement fait cesser ces ventes irrégulières.

Au Venezuela : travailler dans les hôpitaux les plus dangereux au monde

En juillet, le personnel du CAJAC du Venezuela s’est mis en rapport avec un médecin d’un hôpital public qui avait estimé que les risques de ses activités étaient devenus trop grands.

Avant même la pandémie, le système de santé du Venezuela était en train de s’effondrer. Plus de la moitié des médecins du pays l’ont quitté ces dernières années, devenant émigrés ou réfugiés.

Les médecins et les infirmières qui restent ne gagnent pas plus de six dollars par mois dans les hôpitaux publics et le plus souvent ne disposent ni de savon ni d’eau courante, sans parler des masques, gants, blouses médicales et autres EPI essentiels. En conséquence, les médecins représentent plus de 14 % du nombre de personnes décédées de la COVID-19 au Venezuela.

Le médecin qui s’est adressé au CAJAC s’est dit inquiet à l’idée que, sans équipement de protection, il deviendrait malade et propagerait le virus au sein de sa famille. Si sa femme ou ses enfants sont infectés, il ne disposera pas de salaire suffisant pour couvrir leurs soins.

Il a essayé de remettre sa démission, mais l’administration de l’hôpital a refusé de le laisser partir. Lorsqu’il a insisté, il a été menacé par des agents de la Force nationale d’action de la police, une branche de la police qui a été impliquée dans des exécutions extrajudiciaires et des arrestations arbitraires.

Après avoir parlé au médecin, les représentants du CAJAC ont demandé à être entendus sur les conditions de travail et la sécurité dans les hôpitaux publics du Venezuela par la Commission interaméricaine des droits de l’homme. La commission est habilitée à émettre des mesures de protection d’urgence pour les personnes exposées à des risques de préjudices irréparables.

Russie : un incendie meurtrier déclenche une enquête

Dans certains cas, l’intervention des CAJAC a considérablement évolué, passant de la fourniture de conseils à la mise en place de véritables enquêtes. Le CAJAC russe s’est associé aux journalistes d’investigation et à d’autres organisations juridiques et à but non lucratif pour former le Réseau russe d’urgence anti-virus (RAVEN).

L’équipe du RAVEN s’est entretenue avec des médecins qui s’inquiétaient de la qualité des ventilateurs de fabrication russe suite à un incendie provoqué par des ventilateurs dans un hôpital de Saint-Pétersbourg qui a tué cinq patients de COVID-19.

Les ventilateurs de l’hôpital de Saint-Pétersbourg ainsi que ceux d’un hôpital de Moscou où un patient est également mort dans un incendie, ont été fabriqués par une société dirigée par Sergey Chemezov, un allié proche du Président russe Vladimir Poutine. Le gouvernement avait favorisé la société d’État Rostec de M. Chemezov, au détriment d’autres fabricants nationaux, en accordant des millions de dollars pour produire des ventilateurs.

L’enquête portant sur le projet RAVEN a révélé que le prix des ventilateurs avait été surfacturé par Rostec, qui avait utilisé un décret gouvernemental pour forcer les hôpitaux à acheter ses ventilateurs plutôt que ceux de fournisseurs étrangers. Curieusement, Rostec avait acheté la plupart des pièces de ses ventilateurs à l’étranger.

La voie à suivre

Les médecins du Venezuela et de la Russie se sont exprimés ouvertement dans l’espoir que leurs récits pourraient aider à sauver des vies et pour encourager d’autres personnes à s’exprimer plus facilement.

Mais malheureusement, ce type de récits n’est nouveau, car la pandémie de COVID-19 n’a fait qu’aggraver la corruption existante et les contraintes pesant sur les systèmes de santé.

Les rapports reçus par les CAJAC pendant la pandémie montrent que la corruption est en train de provoquer des pénuries de personnel et de matériel et de nier le droit des personnes à la santé.

Les groupes vulnérables, tels que les personnes vivant dans la pauvreté, les personnes âgées, les femmes et les minorités ethniques, entre autres, sont ceux dont la charge est la plus lourde. Étant donné que ces groupes sont plus dépendants des services de santé publique, nous devons faire davantage pour nous assurer que la corruption ne coûte pas davantage en termes de vies pendant la pandémie de COVID-19.

Les gouvernements doivent également créer des espaces de communication sûrs afin que les citoyens et les professionnels de la santé se trouvant en première ligne puissent faire part de leurs préoccupations.

Pour lutter contre la corruption dans les systèmes de santé, nous appelons les gouvernements à :

  • Émettre des lignes directrices claires, transparentes et publiques à l’intention des travailleurs de la santé et des fonctionnaires sur la façon de gérer la riposte à la COVID-19.
  • Inclure des mécanismes de présentation de rapports et maintenir la transparence autour des processus décisionnels, des achats et des dépenses concernant la riposte à la COVID-19.
  • Enquêter sur toutes les affaires de corruption signalées aux autorités et sanctionner tous les cas d’actes répréhensibles.
  • Protéger les citoyens qui osent signaler des actes répréhensibles et enquêter sur leurs plaintes.

Aussi longtemps que la corruption ne sera pas contrôlée, les travailleurs de la santé et les membres des communautés se trouvant en première ligne dans la lutte contre la pandémie subiront des souffrances inutiles et, dans certains cas, ils mourront.

En pleine pandémie, la corruption est plus qu’une simple menace à la bonne gouvernance. Elle constitue un grave danger pour la santé publique.

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